Contenu

Le côté obscur de l'empathie Les hypersensibles et les personnes narcissiques: un classique, malheureusement Vantage Sensitivity L'hypersensibilité n'est pas toujours bien vécue par l'entourage L'hypersensibilité comme excuse La capture par les descriptions de l'hypersensibilité Un Moi instable, une image de soi instable L'évitement des conflits empêche de progresser dans les relations et le développement personnel Le danger des ressentiments accumulés Le piège du refus de vivre Hypersensibilité et alcool En-dehors de la communauté scientifique, les descriptions des personnes dites hypersensibles ou hypersensitives qui circulent sur le web semblent souvent décrire des êtres presque angéliques, un peu trop fragiles pour ce monde cruel, et ne sont pas toujours exemptes d’auto-célébration des auteurs s’ils sont eux-mêmes hypersensibles. (Et d’ailleurs, peut-être ce site web-ci n’en est-il pas exempt non plus,) Et même les sources qui abordent la «face sombre» du sujet se limitent en général aux inconvénients pour la personne hypersensible elle-même. Pourtant, les choses ne peuvent pas être aussi simples. Certes, l’hypersensibilité apporte des qualités précieuses. Mais là où il y a de la lumière, il y a aussi de l'obscurité. Il vaut mieux être conscient de sa propre «Ombre» (les parties inavouables de notre personnalité) et la garder à l’œil, sans quoi elle développe son action clandestine sur notre vie, jusqu’à l’auto-sabotage. Ou alors elle projette sur les autres ce que nous refoulons en nous-mêmes. Actuellement, il existe encore très peu de recherches sur le côté obscur de l'hypersensibilité. Voici une liste de quelques points d’ombre possibles.

Le côté obscur de l'empathie

L’une des caractéristiques parmi les plus souvent citées en association avec l’hypersensibilité est l’empathie. L'empathie est certes souvent célébrée comme une grande qualité à cultiver, et elle serait présente au-delà de la moyenne chez les personnes hypersensibles. Elle permet de se mettre à la place d'autrui et de ressentir un écho de leurs sentiments et émotions. Dans certains cas, l'empathie permet même de «recevoir» comme un poste de radio les sentiments que l’autre personne a refoulés. Cela permet des applications très utiles dans le coaching et la thérapie, permettant aux praticiens de refléter aux clients cette partie inconsciente ou refoulée de leur vie intérieure. Les clients peuvent ainsi en prendre conscience et se réapproprier ces parts de soi perdues de vue. Outre le niveau émotionnel, l'empathie a également un niveau cognitif. Dans une forme avancée, elle permet de se projeter par la pensée dans l'autre personne, d’imaginer son contexte, au lieu de rester uniquement dans le ressenti émotionnel immédiat. (Cf. Serge Tisseron, «Empathie et Manipulations», Paris, 2020.) Car l'empathie simplement émotionnelle est surtout déclenchée par les personnes et les objets dans lesquels nous nous reconnaissons nous-mêmes au moins un peu. L'empathie cognitive permet d'élargir ce cercle : grâce à elle, nous pouvons reconstituer par la pensée le contexte de vie de personnes totalement différentes de nous. De cette manière, nous les comprenons mieux, au lieu de les juger, voire condamner, à partir de notre contexte personnel, de nos conditionnements ou d’un ressenti émotionnel brut et momentané. Ce n'est qu'avec l'empathie cognitive que l'empathie confère une véritable capacité de discernement. Certaines personnes nous sont a priori trop étrangères ou trop antipathiques pour que notre empathie émotionnelle ne s'enclenche. Seule l'empathie cognitive nous enseignera pourquoi elles méritent peut-être malgré tout notre empathie. Par exemple, une personne aura des comportements “bizarres”. Nous gardons nos distances et préférerions que cette personne ne soit pas là. Notre empathie émotionnelle ne trouve pas de prise. Puis nous apprenons que cette personne a vécu des traumatismes terribles qui l’ont rendue ainsi, et cela change tout. Cette reconstitution du contexte par l’empathie cognitive a apporté un correctif permettant à l’empathie émotionnelle de s’enclencher. Et inversement, notre empathie cognitive peut aussi nous avertir que nous sommes en train d’accorder notre empathie émotionnelle à quelqu’un qui ne la mérite pas ou qui nous manipule par elle. Mais l'empathie a aussi ses revers. Que l'empathie soit une bonne chose ou non dépend de son emploi. Tout d'abord, une empathie émotionnelle pour les proches n'exclut en aucun cas une forte aversion pour les étrangers. Une forte empathie envers son propre groupe risque même de faire baisser l'empathie envers les personnes un peu plus lointaines. Cette aversion doit être corrigée par l'empathie cognitive, c'est-à-dire par le fait que l'on ne se contente pas de ressentir l'autre, mais qu'on pense aussi l’autre. L'empathie peut être exploitée. Par exemple, toutes les personnes exerçant des professions d'aide aux personnes ont leurs histoires à raconter sur la manière dont certains clients et patients ont fait appel à leur empathie dans un but purement égoïste, par exemple pour obtenir des avantages indus. De même, la publicité et le design jouent en permanence sur notre empathie, essayant d’établir une connexion émotionnelle entre une marchandise ou une prestation commerciale et nos ressentis intimes. Et l'empathie est une source d'information. Que se passe-t-il si une personne empathique a en même temps un côté manipulateur, un trouble psychique, ou même des intentions criminelles? Elle peut alors employer son empathie à obtenir des informations sur la vie intérieure intime, les faiblesses, les peurs et les aspirations d'autres personnes, et les manipuler plus efficacement. L'empathie est comme n'importe quel autre outil. Elle peut faire des dégâts si elle est utilisée avec des intentions malhonnêtes ou égoïstes.

Les hypersensibles et les personnes narcissiques: un

classique, malheureusement

Les personnes hypersensibles ont tendance à attirer des personnes narcissiques de tous sexes, y compris les «pervers narcissiques». L'attention empathique naturelle de la personne hypersensible attire la personnalité narcissique qui s’en nourrit. Lorsqu'un jour, la personne hypersensible abandonne enfin son espoir de «sauver», de «guérir» ou de changer son ou sa partenaire, la relation existe déjà depuis un certain temps et a déjà généré de nombreuses excuses et prétextes pour y rester. Se résoudre enfin à la séparation est d'autant plus difficile. La relation est certes malsaine, mais c’est de l’ordre du malsain familier. Il se peut qu'elle perdure même si les personnes extérieures ne comprennent plus du tout pourquoi «ces deux-là sont encore ensemble» et que, lassées d’entendre toujours les mêmes excuses, elles aient pris leurs distances. Ce schéma est également renforcé par le fait que les personnes hypersensibles ont du mal à définir et protéger leurs limites personnelles parce qu'elles ne les connaissent pas bien elles-mêmes. Elles sont souvent centrées sur l'extérieur, sur les autres, parfois à un niveau quasi-sacrificiel, «ouvertes à tous les vents». Un remède consisterait à construire un Moi plus mature, plus autonome, à développer une conscience plus élevée de ses propres limites et de ses valeurs profondes, et à s’entraîner à mieux les défendre (et par exemple à dire «non»). Une autre mesure consiste à développer une capacité à mieux lire son propre monde émotionnel, afin qu'il ne soit plus aussi facilement manipulable par les autres. Car il y a peut-être parfois aussi quelque chose d’un peu immature, voire une défiance, dans cette orientation extérieure du soi. On s'achète peut-être un peu de reconnaissance et de compassion dans l'entourage. On le manipule peut-être même, ou le culpabilise lorsqu’on n’estime pas le «retour» suffisant. En se cloîtrant dans cette position, on reste bloqué à un certain niveau de développement personnel. Il y a un refus d'aspirer à un degré plus élevé et plus approprié de maturité et de souveraineté personnelle. Dans la tentative de «sauver» ou «guérir» quelqu'un ou de le changer d'une autre manière sans avoir reçu de mandat pour cela, il y a aussi quelque chose d'envahissant, peut-être même d'arrogant, ou pouvant en tout cas être perçu ainsi. Et ce n’est pas toujours exempt de… narcissisme. («Je sais mieux que cette personne ce qui est bon pour elle et je vais donc la changer / guérir / sauver puisque je pense en avoir le droit et le pouvoir.») Certes, parfois ce trop fort centrage sur les autres peut être dû à un traumatisme, parce que le propre Moi est trop faible, trop endommagé et qu’il n’y a «pas grand monde à la maison» en soi. Mais le narcissisme pathologique ne peut-il pas tout autant être d’origine traumatique? La danse de l’empathie hypersensible et du narcissisme se danse à deux, elle se nourrit à deux, elle se perpétue à deux, si une décision ne survient pas. Et en général, ce n’est pas la personne narcissique qui prend la décision de rupture. Le cadeau paradoxal des personnes narcissiques à un ou une partenaire empathique consiste à lui rendre la vie de plus en plus insupportable, jusqu'à ce qu'il ou elle fasse enfin le saut de maturité qui s'impose et franchisse l'étape éprouvante de mieux définir son propre Moi et ses limites personnelles. Parfois, ce sont les gens qui nous font du mal qui nous font le plus avancer. Les hypersensibles n'attirent pas seulement les narcissiques, mais aussi d'autres «aspirateurs d'énergie» qui se nourrissent d'eux. Il peut s'agir par exemple de personnes très auto-centrées, qui aiment parler et s’attendent à ce que les autres écoutent, sans réciprocité. Si la personne hypersensible ne se résout pas à montrer ses limites à ces personnes, elle devient une «station-service énergétique» pour les égocentriques de tous bords. Ici aussi, le risque est de soutenir et renforcer ces comportements malsains en continuant d’y participer. Pour finir ce point, un mot de mise en garde: l’utilisation du mot “narcissique” ou même “pervers narcissique” est devenu à la mode, notamment pour justifier d’un coup de griffe une séparation amoureuse en attribuant à l’autre toute la responsabilité de cet échec sentimental, parce que l’autre serait «narcissique». Nous devrions être prudents avant de rendre des diagnostics psychologiques sur autrui - et peut-être prendre le temps un jour de regarder nos propres penchants et comportements narcissiques.

Vantage Sensitivity / Sensibilité Différentielle

L'une des caractéristiques de l'hypersensibilité réside dans ce que l'on appelle la «Vantage Sensitivity» ou la «Sensibilité Différentielle» (Differential Susceptibility en anglais) : Les personnes hypersensibles sont influencées de manière plus fortement positive que la moyenne par un environnement bienveillant qui les soutient. Mais inversement, l’impact d’un environnement négatif, dysfonctionnel, voire violent sera d’autant plus important sur une personne qu’elle est hypersensible. La «Vantage Sensitivity» signifie donc une plus forte amplitude de sensibilité à l'environnement - en bien comme en mal. La «Vantage Sensitivity» négative peut faire tomber la personne hypersensible dans de grands abîmes si elle reste (ou croit être) livrée sans recours à son environnement négatif. Le danger est de trop se focaliser sur le côté négatif. On oublie alors qu'un mauvais état intérieur n'est pas forcément une fatalité, pense qu’il n’y a pas d’issue, et ira peut-être vers des comportements auto-destructeurs. Pourtant, même en cas de parcours initialement traumatisant, le simple fait de passer à un environnement plus positif peut avoir un grand effet de guérision sur les personnes hypersensibles. La «Vantage Sensitivity» apporte donc aussi un surcroît de résilience. Encore faut-il en être conscient. (La focalisation sur le seul côté négatif de la «Vantage Sensitivity» est probablement l’une des raisons pour lesquelles certains psychologues confondent encore aujourd'hui la haute sensibilité avec le «neuroticisme» ou «névrosisme» et nient l’hypersensitivité en tant que trait personnel autonome. Le neuroticisme est l'un des cinq traits de personnalité du modèle de personnalité des «Big Five» et désigne une tendance aux émotions négatives).

L'hypersensibilité n'est pas toujours bien vécue par

l'entourage

Les jeunes enfants hypersensibles peuvent être fatigants pour leurs parents. Ces enfants doivent d'abord apprendre à gérer un intense flux de stimuli neurologiques et les sensations physiques difficilement supportables qui s’ensuivent. Ils risquent de pleurer davantage que d’autres enfants et demandent à être davantage rassurés. Ce n'est que plus tard que le langage intervient, apportant des outils cognitifs qui permettent de relativiser et partager leur vécu et de développer des techniques pour gérer leur haute sensitivité sensorielle. Tous les parents n'ont pas les connaissances ou simplement les nerfs pour bien gérer cette situation. S'ils ne sont pas familiarisés avec le sujet de l'hypersensibilité, ils peuvent avoir l'impression que leur enfant “fait le malin” et veut leur rendre la vie difficile, voire qu'il joue au “petit tyran”. Mais ces enfants sont tout simplement submergés par un flot de stimuli et ont besoin de temps pour s'entraîner à les gérer. Plus tard, ils peuvent être des enfants très affectueux qui font le bonheur de leurs parents - à condition qu'il n'y ait pas eu trop de casse au début. Plus tard dans la vie, il y a également beaucoup de place pour les malentendus. Lorsque les personnes hypersensibles / hypersensitives majeures réagissent au stress en pleurant ou en se retirant, les autres peuvent le prendre personnellement ou penser que cette personne est «vraiment trop fragile» et s'irriter de ces «chichis hypersensibles». Il s'agit en fait de réactions spécifiques à une accumulation temporaire de stimuli sensoriels non encore traités. Lorsque cette accumulation s’approche du seuil maximal dans le système nerveux, même un petit stress peut devenir la goutte qui fait déborder le vase et déclencher une réaction difficilement compréhensible pour les autres. La surexcitation neurologique entraîne l'irritabilité. Celui qui ne comprend pas sa propre hypersensibilité et ne l'explique pas à son entourage risque donc de nombreux malentendus et embarras - en privé, dans son couple et au travail.

L'hypersensibilité comme excuse

L'hypersensibilité devient peu à peu un sujet à la mode. On commence à voire certaines personnes en faire une coquetterie, une tentative de s’afficher comme quelqu’un de «spécial». Cela peut aller jusqu’à une attitude passive-agressive. Ou bien on essaye d’expliquer de nombreux comportements par l’hypersensibilité, alors que l’hypersensibilité telle que définie par Elaine Aron est d’ordre sensoriel et non comportemental. Beaucoup de personnes sont hypersensibles (15 à 20% de l’humanité, selon Elaine Aron, mais ces chiffres font débat). Toutefois, les comportements qui en découlent dépendent des décisions individuelles de chacune et chacun et ne sont pas prédéterminés. Car sinon, toutes les personnes hypersensibles auraient des réactions similaires dans des situations similaires. Lorsque quelqu'un met en avant son hypersensibilité de façon trop ostentatoire ou opportuniste, il se peut dans certains cas que ce soit pour pousser les autres à s'adapter aux besoins de la personne hypersensible, à la traiter avec des gants de velours, à ne pas trop exiger d'elle. Cela peut aller dans le sens de la manipulation, voire du narcissisme. «Ce n'est pas moi qui dois trouver ma place dans le monde, mais tout le monde qui doit s'adapter à moi. Je suis tellement sensible.» Ou alors, on se tricote une culture de l'excuse et un rôle de victime, qui sont certes confortables au départ. Mais comme tout rôle de victime entouré d’un écheveau d’excuses que l'on se fabrique soi-même, cela revient en fin de compte à abdiquer son propre pouvoir sur sa vie et à ne plus développer sa souveraineté personnelle. Que reste-t-il à la fin? Un immobilisme pour lequel on ne peut s’en prendre qu’à soi-même. L'estime de soi finit par en prendre un coup.

La capture par les descriptions de l'hypersensibilité

En parcourant la littérature ou les sites Internet sur l'hypersensibilité, on trouve souvent des descriptions similaires. Une certaine image de l‘hypersensible se solidifie : très empathique, attentionné et aimant, parfois un peu enfantin et un peu trop sensible pour un monde si dur. Mais cela ressemble davantage à une image idéale un peu trop édulcorée. Comme ce fut déjà dit plus haut : cette représentation omet beaucoup de choses, notamment de nombreux côtés sombres. Je rencontre régulièrement des personnes hypersensibles qui ne correspondent pas à cette image. Et je connais quelques cas isolés où des personnes hypersensibles ont été évincées de plateformes en ligne pourtant spécialisées pour hypersensibles ou ont vu leurs contributions censurées. Cela donne l'impression qu'une certaine image publique est en train de s'imposer et que des normes sociétales sont déjà en train de naître pour un concept pourtant encore si jeune où il reste tant à élucider. Or, les normes forment. Voici ce qui peut se passer. Une personne a récemment pris conscience de son hypersensibilité. Cela a souvent quelque chose de libérateur, et tout un vécu personnel peut soudain prendre tout son sens. Cette personne lit maintenant des articles, livres et sites web à ce sujet et trouve de nombreuses descriptions similaires. Elle était donc en train de se libérer, mais ce "récit" sur l'hypersensibilité ressemble de plus en plus à une nouvelle restriction : une description dans laquelle on peut être prisonnier. Dans certains cas, cela peut conduire à considérer les éléments qui ne correspondent pas à cette description comme "anormaux" ou "inacceptables", et à les refouler. Ou alors on peut même les considérer comme une raison de se dire qu‘en fin de compte, on n‘est pas hypersensible. On était donc tout juste en train de se libérer - et on se retrouve à nouveau dans une nouvelle "prison", un carcan, une „captivité narrative“. On libèrait enfin ce qui avait été refoulé, et on le refoule à nouveau, mais pour d'autres raisons: afin de se conformer à une certaine image de l'hypersensibilité. La complétude de l'être ne peut être atteinte que par l'intégration de toutes les parties de personnalité - même celles qui ne semblent pas aussi "socialement acceptables". Une image normative de l'hypersensibilité qui se consolide ne favorise pas cette complétude, mais crée au contraire de nouvelles raisons de se dissocier de certaines parties de soi. On faisait quelques pas vers davantage de souveraineté personnelle - et finit par rebrousser chemin, troquant un conformisme pour un autre plutôt qu‘oser l‘expérience de soi loin des normes.

Un Moi instable, une image de soi instable

Le Moi d’une personne est un système. Et un système sain a besoin de limites saines. D’un point de vue systémique, les personnes hypersensibles ont du mal à «fermer les écoutilles» pour s'isoler intérieurement de leur environnement. Elles continuent d’absorber les stimuli venant de l’extérieur. En raison de cette connexion permanente et forcée, un vent extérieur et changeant traverse leur personnalité. Les frontières entre les mondes intérieur et extérieur s’effacent. Le Moi et l’image de soi peuvent être instables, car les influences extérieures ne cessent d’agir sur eux et de les déplacer dans un sens, puis dans l’autre. Ce qui paraissait vrai et fiable hier peut être remis en question aujourd'hui. Les personnes s’intéressant à la spiritualité pourraient dire que l’état fluide correspond davantage au vrai Moi profond que l’état solide. La fluidité s'adapte mieux aux défis, telle l’eau qui coule autour des obstacles plutôt que vouloir pousser les rochers. On rencontre des difficultés. On les surmonte. Puis on revient à une maison intérieure, un centre intérieur de stabilité, un noyau de personnalité solide auquel revenir, une fois les affaires du monde extérieur gérées. Une identité. Mais si les mondes intérieur comme extérieur sont vécus comme constamment fluctuants, il peut devenir difficile de trouver en soi ce noyau de personnalité stable, fiable, familier auquel revenir après chaque crise, ce socle solide sur lequel construire sa vie, son estime de soi et sa confiance en soi. Sans cela, il se peut que l'on finisse par baisser les bras et par renoncer à l’idée que l’on puisse un jour être maîtresse ou maître de sa vie. Et celle ou celui qui n'arrive pas à bien reconnaître ses propres limites ne pourra probablement pas non plus voir clairement les limites des autres. Il se peut donc qu'une personne hypersensible voie quelqu'un d'autre en mauvais état, s’en approche avec empathie, veuille aider en toute bonne foi, mais essuie colère et rejet. Pourquoi? Parce que c’était trop tôt. Même avec les meilleurs intentions du monde, si l'on se rapproche trop des souffrances de quelqu'un sans avoir établi au préalable un rapport de confiance solide permettant à l’autre de ne pas douter de nos bonnes intentions, cela est vécu par l’autre comme une intrusion non autorisée dans sa sphère intime et active des automatismes d’autoprotection. La colère est l’émotion-signal de choix pour avertir de ce qu’une limite a été dépassée sans autorisation. A force de rejets successifs, on peut finir par éviter tout rapprochement avec autrui, et c’est malheureux. Il vaudrait mieux réfléchir à ses propres limites et celles des autres et au fait qu'il n'y a pas simplement proximité ou non-proximité, mais que la proximité se gère par paliers successifs et prend du temps.

L'évitement des conflits empêche de progresser dans les

relations et le développement personnel

L’évitement des conflits pratiquée par de nombreuses personnes hypersensibles provient notamment de ce que les situations désagréables ou conflictuelles provoquent chez elles un ressenti pénible et qui résonne longtemps, longtemps, parfois pendant des jours, des semaines, des années. Ces personnes continuent de se sentir mal alors que la situation est terminée depuis belle lurette et que tous les autres protagonistes sont probablement passés à autre chose. L'évitement des conflits peut par exemple conduire certains hypersensibles à être témoins ou même victimes d’injustices et pourtant rester sans réagir, cautionnant au final une situation préjudiciable en gardant le silence. Du côté obscur de l’hypersensibilité, on peut trouver une certaine propension à la lâcheté, allant de pair avec une culture de l’excuse - et cela est dit avec tout le respect qui est dû et par quelqu’un qui n’est lui-même pas libre de ce travers. Et celles et ceux qui considèrent une négociation salariale comme une confrontation peuvent ne pas s'engager pour obtenir un juste revenu. Ils peuvent ainsi faire de leur mieux pour leurs employeurs sans pour autant recevoir la juste contrepartie pécuniaire, et finir éventuellement par la démission intérieure ou entrer dans le cercle vicieux de l'autodépréciation. Dans les relations aux autres, la tendance à éviter les conflits peut conduire à une lente accumulation du poison des non-dits et de la rancœur, parce que l’on se tait et n’initie pas les évolutions et changements pourtant nécessaires. Le temps est venu pour que la relation avance vers un nouveau degré de maturité, mais l'impulsion ne vient pas. Ce sont justement les sujets que l'on n'ose pas aborder qui sont souvent le germe de crises futures qui finissent par désagréger la relation que l’on croyait protéger en se taisant. Une fois que le silence est rompu et que toutes ces choses sont enfin dites, peut- être d’un coup comme dans une rupture de digue, le relation semble soudain avoir été basée sur des mensonges ou en tout cas sur de fausses présomptions. Les relations amoureuses constituent l’une des plus importantes offres de formation continue au développement humain que la vie propose. A force d'éviter les conflits relationnels, les apprentissages que la vie nous destine sur notre chemin ne sont pas tous acquis. Et les relations successives buteront peut-être sur un déroulement et une fin toujours similaires. Nous sommes peut-être tellement occupés à blâmer encore et toujours nos partenaires successifs que nous restons aveugles à nos propres comportements et combien ceux des autres sont aussi des réactions aux nôtres. Nous voyons le mal qu’on nous fait, mais pas sa face sombre, à savoir le mal que nous faisons. Si nous ne cultivons pas le remède d’une honnêteté envers nous-mêmes, l’éventuel schéma répétitif gouvernant notre relationnel ne se révèle au mieux qu'après plusieurs répétitions douloureuses, et il faudra alors se pardonner de ne pas l’avoir vu des années plus tôt, si on veut espérer pouvoir passer à autre chose.

Le danger des ressentiments accumulés

Les personnes hypersensibles vivent plus souvent que les autres des situations humiliantes. En effet, elles ont plus de mal que les autres à poser ou même voir leurs propres limites. Celles-ci sont donc plus souvent transgressées, parfois brutalement. Ou bien la personne hypersensible, souvent créative, fournit des idées et voit comment les autres se les approprient. Parce que dans le cas de l'hypersensibilité, les blessures sont inévitables tout au long de la vie et qu'elles résonnent longtemps en un écho désagréable, il est important d'apprendre à les gérer et à les transformer de manière créative. Sans cette alchimie intérieure qui transforme ces accumulations négatives en quelque chose d’un ordre plus élevé, on risque le mépris de soi, les sentiments d'impuissance et le ressentiment. Les expériences désagréables ou traumatisantes ont surtout des conséquences à long terme lorsqu'elles s’accompagnent d'un sentiment d'impuissance. Dans ce cas, elles se gravent dans la mémoire consciente ou inconsciente et la résilience personnelle aura plus de mal à les surmonter. Des séquelles de traumatismes et des dépressions peuvent s’ensuivre. Ou alors, il en résulte un sentiment d'être largement livré à la vie, impuissant à la gérer comme on le voudrait. Et les ressentiments peuvent s'accumuler, se transformer en préjugés et, dans le pire des cas, en désir de vengeance. Cela n’implique pas automatiquement un passage à l’acte. Mais parfois, ces pensées deviennent violence. L'hypersensibilité n'exclut en aucun cas des actions insensibles. Et elle n'exclut pas non plus la violence, contre les autres ou contre soi-même. Il existe toujours la possibilité d’une «rupture de digue» dans une forme ou une autre. Pour y remédier, il est nécessaire de faire un «travail sur l'ombre», comme le suggère la psychologie de Carl Gustav Jung: jeter un regard honnête sur ces parties que nous avons refoulées dans les recoins obscurs de la personnalité, leur faire face, puis les transformer et intégrer dans notre personnalité pour atteindre un nouveau palier de maturité et de développement personnel.

Le piège du refus de vivre

Vivre des situations désagréables ou des flux de stimuli intenses est si éprouvant qu'il peut conduire à l'évitement d'un nombre croissant de situations. Pour éviter de se sentir mal, on évite les situations dans lesquelles le mal-être est simplement une possibilité. Par exemple, on pourrait vivre de très bons moments à la prochaine soirée de fête et y rencontrer des gens intéressants, mais on ne va plus aux soirées. Au final, des aspects essentiels et des pans entiers de la vie peuvent être relégués dans cette zone d'évitement grandissante et mangeuse de vie. On mène une existence de plus en plus cachée. La personne peut ainsi s'éloigner de sa vocation par refus de surmonter les obstacles qu’elle implique, et renoncer à des rencontres intéressantes. Ou sa vie peut s'arrêter, se vider - jusqu'à l'abandon de soi ou le suicide comme ultime évitement de vie. Cet évitement ne s'accompagne pas forcément d'une attitude de victime ou d'amertume. Toutefois, éviter la vie est rendu plus supportable en accusant les autres ou la société entière, ou même voir à l’oeuvre des forces obscures comme un «mauvais karma» ou un complot. Les rencontres manquées de toutes sortes font moins mal si l'on se dit que les autres humains sont «tous des idiots». Une telle attitude peut aussi être un fardeau pour les proches qui ne souhaitent que le meilleur pour la personne hypersensible. lui souhaitent de vivre une vie heureuse, vivante, pleine de sens, de trouver sa voie, mais se heurtent à son immobilisme et à son refus d’affronter la vie. Encore faut-il qu’il y ait des proches. Ils se sont peut-être détournés, exaspérés, et la solitude guette. Ou peut-être que l'on vit un conformisme allant jusqu'à se vider de toute originalité propre et devenir une coquille de comportements sociaux stéréotypés. La créativité personnelle ne trouve plus sa place et ce renoncement est rendu plus supportable par des prétextes et excuses. Et par la profusion de l’offre en divertissements numériques pour remplir le vide. La solution consiste généralement à se tourner précisément vers ce que l'on évitait jusqu'à présent et à décider de supporter les désagréments qui y sont liés pendant un certain temps, jusqu'à ce qu’ils puissent s'estomper et qu’on ait appris à mieux gérer les réalités. Souvent, les difficultés sont moins grandes qu’on ne le pensait: dès que l'on regarde en face ce qui nous fait peur, ces choses perdent instantanément de leur pouvoir. Et peut-être que ce qui nous faisait peur ne nous voulait même pas de mal et que ce n’était qu'un vaste malentendu. Si la personne hypersensible ne sort pas un jour de sa coquille pour affronter ces inconvénients et tribulations et ne retrouve pas sa propre efficacité personnelle et sa souveraineté personnelle, elle peut glisser vers un sentiment de vide allant jusqu'à la dépression. La satisfaction d’avoir surmonté une situation difficile est l’une des meilleures sensations qui soient. Il est plus facile de trouver le courage d’affronter la vie si on est soutenu – par ses proches ou par des thérapeutes ou des coachs.

Hypersensibilité et alcool

Il n'existe pas d'études sur ce sujet. Mais il se pourrait bien que les personnes hypersensibles se tournent plus souvent vers l'alcool que la moyenne (comme c'est apparemment le cas pour les personnes surdouées). Pourquoi? Plusieurs raisons sont possibles: Les sensations quotidiennes peuvent être trop fortes. L'alcool permet de remédier rapidement à la situation, d'atténuer l'expérience et d'éliminer les sensations les plus vives - avec tous les inconvénients de l'alcool pour le corps et l'esprit. Les personnes qui ne sont pas conscientes de leur hypersensibilité peuvent, à défaut, choisir l'alcool comme stratégie d'adaptation. Par conséquent, si l'alcool est trop présent chez quelqu'un, il convient de vérifier s'il n'y a pas une hypersensibilité non reconnue. Cela demande beaucoup de tact. Mais reconnaître sa propre hypersensibilité est un moment essentiel et cela pourrait même être la clé pour en finir avec l'alcool. Il est possible que ce soit plus souvent le cas chez les hommes que chez les femmes. En effet, le manque d'acceptation culturelle de l'hypersensibilité masculine renforce encore la tendance à la sédation. Voir aussi: Coaching pour personnes hypersensibles L’hypersensibilité dans le monde du travail et en management Améliorer la confiance en soi et l‘estime de soi Petit guide de survie pour personnes hypersensibles en des temps agités Autres articles du blog Contact et rendez-vous en cabinet ou en ligne
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Le côté obscur de l'empathie Les hypersensibles et les personnes narcissiques: un classique, malheureusement Vantage Sensitivity L'hypersensibilité n'est pas toujours bien vécue par l'entourage L'hypersensibilité comme excuse La capture par les descriptions de l'hypersensibilité Un Moi instable, une image de soi instable L'évitement des conflits empêche de progresser dans les relations et le développement personnel Le danger des ressentiments accumulés Le piège du refus de vivre Hypersensibilité et alcool En-dehors de la communauté scientifique, les descriptions des personnes dites hypersensibles ou hypersensitives qui circulent sur le web semblent souvent décrire des êtres presque angéliques, un peu trop fragiles pour ce monde cruel, et ne sont pas toujours exemptes d’auto-célébration des auteurs s’ils sont eux-mêmes hypersensibles. (Et d’ailleurs, peut-être ce site web-ci n’en est-il pas exempt non plus,) Et même les sources qui abordent la «face sombre» du sujet se limitent en général aux inconvénients pour la personne hypersensible elle-même. Pourtant, les choses ne peuvent pas être aussi simples. Certes, l’hypersensibilité apporte des qualités précieuses. Mais là où il y a de la lumière, il y a aussi de l'obscurité. Il vaut mieux être conscient de sa propre «Ombre» (les parties inavouables de notre personnalité) et la garder à l’œil, sans quoi elle développe son action clandestine sur notre vie, jusqu’à l’auto- sabotage. Ou alors elle projette sur les autres ce que nous refoulons en nous-mêmes. Actuellement, il existe encore très peu de recherches sur le côté obscur de l'hypersensibilité. Voici une liste de quelques points d’ombre possibles.

Le côté obscur de l'empathie

L’une des caractéristiques parmi les plus souvent citées en association avec l’hypersensibilité est l’empathie. L'empathie est certes souvent célébrée comme une grande qualité à cultiver, et elle serait présente au-delà de la moyenne chez les personnes hypersensibles. Elle permet de se mettre à la place d'autrui et de ressentir un écho de leurs sentiments et émotions. Dans certains cas, l'empathie permet même de «recevoir» comme un poste de radio les sentiments que l’autre personne a refoulés. Cela permet des applications très utiles dans le coaching et la thérapie, permettant aux praticiens de refléter aux clients cette partie inconsciente ou refoulée de leur vie intérieure. Les clients peuvent ainsi en prendre conscience et se réapproprier ces parts de soi perdues de vue. Outre le niveau émotionnel, l'empathie a également un niveau cognitif. Dans une forme avancée, elle permet de se projeter par la pensée dans l'autre personne, d’imaginer son contexte, au lieu de rester uniquement dans le ressenti émotionnel immédiat. (Cf. Serge Tisseron, «Empathie et Manipulations», Paris, 2020.) Car l'empathie simplement émotionnelle est surtout déclenchée par les personnes et les objets dans lesquels nous nous reconnaissons nous-mêmes au moins un peu. L'empathie cognitive permet d'élargir ce cercle : grâce à elle, nous pouvons reconstituer par la pensée le contexte de vie de personnes totalement différentes de nous. De cette manière, nous les comprenons mieux, au lieu de les juger, voire condamner, à partir de notre contexte personnel, de nos conditionnements ou d’un ressenti émotionnel brut et momentané. Ce n'est qu'avec l'empathie cognitive que l'empathie confère une véritable capacité de discernement. Certaines personnes nous sont a priori trop étrangères ou trop antipathiques pour que notre empathie émotionnelle ne s'enclenche. Seule l'empathie cognitive nous enseignera pourquoi elles méritent peut-être malgré tout notre empathie. Par exemple, une personne aura des comportements “bizarres”. Nous gardons nos distances et préférerions que cette personne ne soit pas là. Notre empathie émotionnelle ne trouve pas de prise. Puis nous apprenons que cette personne a vécu des traumatismes terribles qui l’ont rendue ainsi, et cela change tout. Cette reconstitution du contexte par l’empathie cognitive a apporté un correctif permettant à l’empathie émotionnelle de s’enclencher. Et inversement, notre empathie cognitive peut aussi nous avertir que nous sommes en train d’accorder notre empathie émotionnelle à quelqu’un qui ne la mérite pas ou qui nous manipule par elle. Mais l'empathie a aussi ses revers. Que l'empathie soit une bonne chose ou non dépend de son emploi. Tout d'abord, une empathie émotionnelle pour les proches n'exclut en aucun cas une forte aversion pour les étrangers. Une forte empathie envers son propre groupe risque même de faire baisser l'empathie envers les personnes un peu plus lointaines. Cette aversion doit être corrigée par l'empathie cognitive, c'est-à- dire par le fait que l'on ne se contente pas de ressentir l'autre, mais qu'on pense aussi l’autre. L'empathie peut être exploitée. Par exemple, toutes les personnes exerçant des professions d'aide aux personnes ont leurs histoires à raconter sur la manière dont certains clients et patients ont fait appel à leur empathie dans un but purement égoïste, par exemple pour obtenir des avantages indus. De même, la publicité et le design jouent en permanence sur notre empathie, essayant d’établir une connexion émotionnelle entre une marchandise ou une prestation commerciale et nos ressentis intimes. Et l'empathie est une source d'information. Que se passe-t-il si une personne empathique a en même temps un côté manipulateur, un trouble psychique, ou même des intentions criminelles? Elle peut alors employer son empathie à obtenir des informations sur la vie intérieure intime, les faiblesses, les peurs et les aspirations d'autres personnes, et les manipuler plus efficacement. L'empathie est comme n'importe quel autre outil. Elle peut faire des dégâts si elle est utilisée avec des intentions malhonnêtes ou égoïstes.

Les hypersensibles et les

personnes narcissiques: un

classique, malheureusement

Les personnes hypersensibles ont tendance à attirer des personnes narcissiques de tous sexes, y compris les «pervers narcissiques». L'attention empathique naturelle de la personne hypersensible attire la personnalité narcissique qui s’en nourrit. Lorsqu'un jour, la personne hypersensible abandonne enfin son espoir de «sauver», de «guérir» ou de changer son ou sa partenaire, la relation existe déjà depuis un certain temps et a déjà généré de nombreuses excuses et prétextes pour y rester. Se résoudre enfin à la séparation est d'autant plus difficile. La relation est certes malsaine, mais c’est de l’ordre du malsain familier. Il se peut qu'elle perdure même si les personnes extérieures ne comprennent plus du tout pourquoi «ces deux-là sont encore ensemble» et que, lassées d’entendre toujours les mêmes excuses, elles aient pris leurs distances. Ce schéma est également renforcé par le fait que les personnes hypersensibles ont du mal à définir et protéger leurs limites personnelles parce qu'elles ne les connaissent pas bien elles-mêmes. Elles sont souvent centrées sur l'extérieur, sur les autres, parfois à un niveau quasi-sacrificiel, «ouvertes à tous les vents». Un remède consisterait à construire un Moi plus mature, plus autonome, à développer une conscience plus élevée de ses propres limites et de ses valeurs profondes, et à s’entraîner à mieux les défendre (et par exemple à dire «non»). Une autre mesure consiste à développer une capacité à mieux lire son propre monde émotionnel, afin qu'il ne soit plus aussi facilement manipulable par les autres. Car il y a peut-être parfois aussi quelque chose d’un peu immature, voire une défiance, dans cette orientation extérieure du soi. On s'achète peut-être un peu de reconnaissance et de compassion dans l'entourage. On le manipule peut-être même, ou le culpabilise lorsqu’on n’estime pas le «retour» suffisant. En se cloîtrant dans cette position, on reste bloqué à un certain niveau de développement personnel. Il y a un refus d'aspirer à un degré plus élevé et plus approprié de maturité et de souveraineté personnelle. Dans la tentative de «sauver» ou «guérir» quelqu'un ou de le changer d'une autre manière sans avoir reçu de mandat pour cela, il y a aussi quelque chose d'envahissant, peut-être même d'arrogant, ou pouvant en tout cas être perçu ainsi. Et ce n’est pas toujours exempt de… narcissisme. («Je sais mieux que cette personne ce qui est bon pour elle et je vais donc la changer / guérir / sauver puisque je pense en avoir le droit et le pouvoir.») Certes, parfois ce trop fort centrage sur les autres peut être dû à un traumatisme, parce que le propre Moi est trop faible, trop endommagé et qu’il n’y a «pas grand monde à la maison» en soi. Mais le narcissisme pathologique ne peut-il pas tout autant être d’origine traumatique? La danse de l’empathie hypersensible et du narcissisme se danse à deux, elle se nourrit à deux, elle se perpétue à deux, si une décision ne survient pas. Et en général, ce n’est pas la personne narcissique qui prend la décision de rupture. Le cadeau paradoxal des personnes narcissiques à un ou une partenaire empathique consiste à lui rendre la vie de plus en plus insupportable, jusqu'à ce qu'il ou elle fasse enfin le saut de maturité qui s'impose et franchisse l'étape éprouvante de mieux définir son propre Moi et ses limites personnelles. Parfois, ce sont les gens qui nous font du mal qui nous font le plus avancer. Les hypersensibles n'attirent pas seulement les narcissiques, mais aussi d'autres «aspirateurs d'énergie» qui se nourrissent d'eux. Il peut s'agir par exemple de personnes très auto-centrées, qui aiment parler et s’attendent à ce que les autres écoutent, sans réciprocité. Si la personne hypersensible ne se résout pas à montrer ses limites à ces personnes, elle devient une «station-service énergétique» pour les égocentriques de tous bords. Ici aussi, le risque est de soutenir et renforcer ces comportements malsains en continuant d’y participer. Pour finir ce point, un mot de mise en garde: l’utilisation du mot “narcissique” ou même “pervers narcissique” est devenu à la mode, notamment pour justifier d’un coup de griffe une séparation amoureuse en attribuant à l’autre toute la responsabilité de cet échec sentimental, parce que l’autre serait «narcissique». Nous devrions être prudents avant de rendre des diagnostics psychologiques sur autrui - et peut-être prendre le temps un jour de regarder nos propres penchants et comportements narcissiques.

Vantage Sensitivity /

Sensibilité Différentielle

L'une des caractéristiques de l'hypersensibilité réside dans ce que l'on appelle la «Vantage Sensitivity» ou la «Sensibilité Différentielle» (Differential Susceptibility en anglais) : Les personnes hypersensibles sont influencées de manière plus fortement positive que la moyenne par un environnement bienveillant qui les soutient. Mais inversement, l’impact d’un environnement négatif, dysfonctionnel, voire violent sera d’autant plus important sur une personne qu’elle est hypersensible. La «Vantage Sensitivity» signifie donc une plus forte amplitude de sensibilité à l'environnement - en bien comme en mal. La «Vantage Sensitivity» négative peut faire tomber la personne hypersensible dans de grands abîmes si elle reste (ou croit être) livrée sans recours à son environnement négatif. Le danger est de trop se focaliser sur le côté négatif. On oublie alors qu'un mauvais état intérieur n'est pas forcément une fatalité, pense qu’il n’y a pas d’issue, et ira peut-être vers des comportements auto-destructeurs. Pourtant, même en cas de parcours initialement traumatisant, le simple fait de passer à un environnement plus positif peut avoir un grand effet de guérision sur les personnes hypersensibles. La «Vantage Sensitivity» apporte donc aussi un surcroît de résilience. Encore faut-il en être conscient. (La focalisation sur le seul côté négatif de la «Vantage Sensitivity» est probablement l’une des raisons pour lesquelles certains psychologues confondent encore aujourd'hui la haute sensibilité avec le «neuroticisme» ou «névrosisme» et nient l’hypersensitivité en tant que trait personnel autonome. Le neuroticisme est l'un des cinq traits de personnalité du modèle de personnalité des «Big Five» et désigne une tendance aux émotions négatives).

L'hypersensibilité n'est pas

toujours bien vécue par

l'entourage

Les jeunes enfants hypersensibles peuvent être fatigants pour leurs parents. Ces enfants doivent d'abord apprendre à gérer un intense flux de stimuli neurologiques et les sensations physiques difficilement supportables qui s’ensuivent. Ils risquent de pleurer davantage que d’autres enfants et demandent à être davantage rassurés. Ce n'est que plus tard que le langage intervient, apportant des outils cognitifs qui permettent de relativiser et partager leur vécu et de développer des techniques pour gérer leur haute sensitivité sensorielle. Tous les parents n'ont pas les connaissances ou simplement les nerfs pour bien gérer cette situation. S'ils ne sont pas familiarisés avec le sujet de l'hypersensibilité, ils peuvent avoir l'impression que leur enfant “fait le malin” et veut leur rendre la vie difficile, voire qu'il joue au “petit tyran”. Mais ces enfants sont tout simplement submergés par un flot de stimuli et ont besoin de temps pour s'entraîner à les gérer. Plus tard, ils peuvent être des enfants très affectueux qui font le bonheur de leurs parents - à condition qu'il n'y ait pas eu trop de casse au début. Plus tard dans la vie, il y a également beaucoup de place pour les malentendus. Lorsque les personnes hypersensibles / hypersensitives majeures réagissent au stress en pleurant ou en se retirant, les autres peuvent le prendre personnellement ou penser que cette personne est «vraiment trop fragile» et s'irriter de ces «chichis hypersensibles». Il s'agit en fait de réactions spécifiques à une accumulation temporaire de stimuli sensoriels non encore traités. Lorsque cette accumulation s’approche du seuil maximal dans le système nerveux, même un petit stress peut devenir la goutte qui fait déborder le vase et déclencher une réaction difficilement compréhensible pour les autres. La surexcitation neurologique entraîne l'irritabilité. Celui qui ne comprend pas sa propre hypersensibilité et ne l'explique pas à son entourage risque donc de nombreux malentendus et embarras - en privé, dans son couple et au travail.

L'hypersensibilité comme

excuse

L'hypersensibilité devient peu à peu un sujet à la mode. On commence à voire certaines personnes en faire une coquetterie, une tentative de s’afficher comme quelqu’un de «spécial». Cela peut aller jusqu’à une attitude passive-agressive. Ou bien on essaye d’expliquer de nombreux comportements par l’hypersensibilité, alors que l’hypersensibilité telle que définie par Elaine Aron est d’ordre sensoriel et non comportemental. Beaucoup de personnes sont hypersensibles (15 à 20% de l’humanité, selon Elaine Aron, mais ces chiffres font débat). Toutefois, les comportements qui en découlent dépendent des décisions individuelles de chacune et chacun et ne sont pas prédéterminés. Car sinon, toutes les personnes hypersensibles auraient des réactions similaires dans des situations similaires. Lorsque quelqu'un met en avant son hypersensibilité de façon trop ostentatoire ou opportuniste, il se peut dans certains cas que ce soit pour pousser les autres à s'adapter aux besoins de la personne hypersensible, à la traiter avec des gants de velours, à ne pas trop exiger d'elle. Cela peut aller dans le sens de la manipulation, voire du narcissisme. «Ce n'est pas moi qui dois trouver ma place dans le monde, mais tout le monde qui doit s'adapter à moi. Je suis tellement sensible.» Ou alors, on se tricote une culture de l'excuse et un rôle de victime, qui sont certes confortables au départ. Mais comme tout rôle de victime entouré d’un écheveau d’excuses que l'on se fabrique soi-même, cela revient en fin de compte à abdiquer son propre pouvoir sur sa vie et à ne plus développer sa souveraineté personnelle. Que reste-t-il à la fin? Un immobilisme pour lequel on ne peut s’en prendre qu’à soi-même. L'estime de soi finit par en prendre un coup.

La capture par les descriptions de

l'hypersensibilité

En parcourant la littérature ou les sites Internet sur l'hypersensibilité, on trouve souvent des descriptions similaires. Une certaine image de l‘hypersensible se solidifie : très empathique, attentionné et aimant, parfois un peu enfantin et un peu trop sensible pour un monde si dur. Mais cela ressemble davantage à une image idéale un peu trop édulcorée. Comme ce fut déjà dit plus haut : cette représentation omet beaucoup de choses, notamment de nombreux côtés sombres. Je rencontre régulièrement des personnes hypersensibles qui ne correspondent pas à cette image. Et je connais quelques cas isolés où des personnes hypersensibles ont été évincées de plateformes en ligne pourtant spécialisées pour hypersensibles ou ont vu leurs contributions censurées. Cela donne l'impression qu'une certaine image publique est en train de s'imposer et que des normes sociétales sont déjà en train de naître pour un concept pourtant encore si jeune où il reste tant à élucider. Or, les normes forment. Voici ce qui peut se passer. Une personne a récemment pris conscience de son hypersensibilité. Cela a souvent quelque chose de libérateur, et tout un vécu personnel peut soudain prendre tout son sens. Cette personne lit maintenant des articles, livres et sites web à ce sujet et trouve de nombreuses descriptions similaires. Elle était donc en train de se libérer, mais ce "récit" sur l'hypersensibilité ressemble de plus en plus à une nouvelle restriction : une description dans laquelle on peut être prisonnier. Dans certains cas, cela peut conduire à considérer les éléments qui ne correspondent pas à cette description comme "anormaux" ou "inacceptables", et à les refouler. Ou alors on peut même les considérer comme une raison de se dire qu‘en fin de compte, on n‘est pas hypersensible. On était donc tout juste en train de se libérer - et on se retrouve à nouveau dans une nouvelle "prison", un carcan, une „captivité narrative“. On libèrait enfin ce qui avait été refoulé, et on le refoule à nouveau, mais pour d'autres raisons: afin de se conformer à une certaine image de l'hypersensibilité. La complétude de l'être ne peut être atteinte que par l'intégration de toutes les parties de personnalité - même celles qui ne semblent pas aussi "socialement acceptables". Une image normative de l'hypersensibilité qui se consolide ne favorise pas cette complétude, mais crée au contraire de nouvelles raisons de se dissocier de certaines parties de soi. On faisait quelques pas vers davantage de souveraineté personnelle - et finit par rebrousser chemin, troquant un conformisme pour un autre plutôt qu‘oser l‘expérience de soi loin des normes.

Un Moi instable, une image de

soi instable

Le Moi d’une personne est un système. Et un système sain a besoin de limites saines. D’un point de vue systémique, les personnes hypersensibles ont du mal à «fermer les écoutilles» pour s'isoler intérieurement de leur environnement. Elles continuent d’absorber les stimuli venant de l’extérieur. En raison de cette connexion permanente et forcée, un vent extérieur et changeant traverse leur personnalité. Les frontières entre les mondes intérieur et extérieur s’effacent. Le Moi et l’image de soi peuvent être instables, car les influences extérieures ne cessent d’agir sur eux et de les déplacer dans un sens, puis dans l’autre. Ce qui paraissait vrai et fiable hier peut être remis en question aujourd'hui. Les personnes s’intéressant à la spiritualité pourraient dire que l’état fluide correspond davantage au vrai Moi profond que l’état solide. La fluidité s'adapte mieux aux défis, telle l’eau qui coule autour des obstacles plutôt que vouloir pousser les rochers. On rencontre des difficultés. On les surmonte. Puis on revient à une maison intérieure, un centre intérieur de stabilité, un noyau de personnalité solide auquel revenir, une fois les affaires du monde extérieur gérées. Une identité. Mais si les mondes intérieur comme extérieur sont vécus comme constamment fluctuants, il peut devenir difficile de trouver en soi ce noyau de personnalité stable, fiable, familier auquel revenir après chaque crise, ce socle solide sur lequel construire sa vie, son estime de soi et sa confiance en soi. Sans cela, il se peut que l'on finisse par baisser les bras et par renoncer à l’idée que l’on puisse un jour être maîtresse ou maître de sa vie. Et celle ou celui qui n'arrive pas à bien reconnaître ses propres limites ne pourra probablement pas non plus voir clairement les limites des autres. Il se peut donc qu'une personne hypersensible voie quelqu'un d'autre en mauvais état, s’en approche avec empathie, veuille aider en toute bonne foi, mais essuie colère et rejet. Pourquoi? Parce que c’était trop tôt. Même avec les meilleurs intentions du monde, si l'on se rapproche trop des souffrances de quelqu'un sans avoir établi au préalable un rapport de confiance solide permettant à l’autre de ne pas douter de nos bonnes intentions, cela est vécu par l’autre comme une intrusion non autorisée dans sa sphère intime et active des automatismes d’autoprotection. La colère est l’émotion- signal de choix pour avertir de ce qu’une limite a été dépassée sans autorisation. A force de rejets successifs, on peut finir par éviter tout rapprochement avec autrui, et c’est malheureux. Il vaudrait mieux réfléchir à ses propres limites et celles des autres et au fait qu'il n'y a pas simplement proximité ou non-proximité, mais que la proximité se gère par paliers successifs et prend du temps.

L'évitement des conflits

empêche de progresser dans

les relations et le

développement personnel

L’évitement des conflits pratiquée par de nombreuses personnes hypersensibles provient notamment de ce que les situations désagréables ou conflictuelles provoquent chez elles un ressenti pénible et qui résonne longtemps, longtemps, parfois pendant des jours, des semaines, des années. Ces personnes continuent de se sentir mal alors que la situation est terminée depuis belle lurette et que tous les autres protagonistes sont probablement passés à autre chose. L'évitement des conflits peut par exemple conduire certains hypersensibles à être témoins ou même victimes d’injustices et pourtant rester sans réagir, cautionnant au final une situation préjudiciable en gardant le silence. Du côté obscur de l’hypersensibilité, on peut trouver une certaine propension à la lâcheté, allant de pair avec une culture de l’excuse - et cela est dit avec tout le respect qui est dû et par quelqu’un qui n’est lui-même pas libre de ce travers. Et celles et ceux qui considèrent une négociation salariale comme une confrontation peuvent ne pas s'engager pour obtenir un juste revenu. Ils peuvent ainsi faire de leur mieux pour leurs employeurs sans pour autant recevoir la juste contrepartie pécuniaire, et finir éventuellement par la démission intérieure ou entrer dans le cercle vicieux de l'autodépréciation. Dans les relations aux autres, la tendance à éviter les conflits peut conduire à une lente accumulation du poison des non- dits et de la rancœur, parce que l’on se tait et n’initie pas les évolutions et changements pourtant nécessaires. Le temps est venu pour que la relation avance vers un nouveau degré de maturité, mais l'impulsion ne vient pas. Ce sont justement les sujets que l'on n'ose pas aborder qui sont souvent le germe de crises futures qui finissent par désagréger la relation que l’on croyait protéger en se taisant. Une fois que le silence est rompu et que toutes ces choses sont enfin dites, peut-être d’un coup comme dans une rupture de digue, le relation semble soudain avoir été basée sur des mensonges ou en tout cas sur de fausses présomptions. Les relations amoureuses constituent l’une des plus importantes offres de formation continue au développement humain que la vie propose. A force d'éviter les conflits relationnels, les apprentissages que la vie nous destine sur notre chemin ne sont pas tous acquis. Et les relations successives buteront peut-être sur un déroulement et une fin toujours similaires. Nous sommes peut-être tellement occupés à blâmer encore et toujours nos partenaires successifs que nous restons aveugles à nos propres comportements et combien ceux des autres sont aussi des réactions aux nôtres. Nous voyons le mal qu’on nous fait, mais pas sa face sombre, à savoir le mal que nous faisons. Si nous ne cultivons pas le remède d’une honnêteté envers nous-mêmes, l’éventuel schéma répétitif gouvernant notre relationnel ne se révèle au mieux qu'après plusieurs répétitions douloureuses, et il faudra alors se pardonner de ne pas l’avoir vu des années plus tôt, si on veut espérer pouvoir passer à autre chose.

Le danger des ressentiments

accumulés

Les personnes hypersensibles vivent plus souvent que les autres des situations humiliantes. En effet, elles ont plus de mal que les autres à poser ou même voir leurs propres limites. Celles-ci sont donc plus souvent transgressées, parfois brutalement. Ou bien la personne hypersensible, souvent créative, fournit des idées et voit comment les autres se les approprient. Parce que dans le cas de l'hypersensibilité, les blessures sont inévitables tout au long de la vie et qu'elles résonnent longtemps en un écho désagréable, il est important d'apprendre à les gérer et à les transformer de manière créative. Sans cette alchimie intérieure qui transforme ces accumulations négatives en quelque chose d’un ordre plus élevé, on risque le mépris de soi, les sentiments d'impuissance et le ressentiment. Les expériences désagréables ou traumatisantes ont surtout des conséquences à long terme lorsqu'elles s’accompagnent d'un sentiment d'impuissance. Dans ce cas, elles se gravent dans la mémoire consciente ou inconsciente et la résilience personnelle aura plus de mal à les surmonter. Des séquelles de traumatismes et des dépressions peuvent s’ensuivre. Ou alors, il en résulte un sentiment d'être largement livré à la vie, impuissant à la gérer comme on le voudrait. Et les ressentiments peuvent s'accumuler, se transformer en préjugés et, dans le pire des cas, en désir de vengeance. Cela n’implique pas automatiquement un passage à l’acte. Mais parfois, ces pensées deviennent violence. L'hypersensibilité n'exclut en aucun cas des actions insensibles. Et elle n'exclut pas non plus la violence, contre les autres ou contre soi-même. Il existe toujours la possibilité d’une «rupture de digue» dans une forme ou une autre. Pour y remédier, il est nécessaire de faire un «travail sur l'ombre», comme le suggère la psychologie de Carl Gustav Jung: jeter un regard honnête sur ces parties que nous avons refoulées dans les recoins obscurs de la personnalité, leur faire face, puis les transformer et intégrer dans notre personnalité pour atteindre un nouveau palier de maturité et de développement personnel.

Le piège du refus de vivre

Vivre des situations désagréables ou des flux de stimuli intenses est si éprouvant qu'il peut conduire à l'évitement d'un nombre croissant de situations. Pour éviter de se sentir mal, on évite les situations dans lesquelles le mal- être est simplement une possibilité. Par exemple, on pourrait vivre de très bons moments à la prochaine soirée de fête et y rencontrer des gens intéressants, mais on ne va plus aux soirées. Au final, des aspects essentiels et des pans entiers de la vie peuvent être relégués dans cette zone d'évitement grandissante et mangeuse de vie. On mène une existence de plus en plus cachée. La personne peut ainsi s'éloigner de sa vocation par refus de surmonter les obstacles qu’elle implique, et renoncer à des rencontres intéressantes. Ou sa vie peut s'arrêter, se vider - jusqu'à l'abandon de soi ou le suicide comme ultime évitement de vie. Cet évitement ne s'accompagne pas forcément d'une attitude de victime ou d'amertume. Toutefois, éviter la vie est rendu plus supportable en accusant les autres ou la société entière, ou même voir à l’oeuvre des forces obscures comme un «mauvais karma» ou un complot. Les rencontres manquées de toutes sortes font moins mal si l'on se dit que les autres humains sont «tous des idiots». Une telle attitude peut aussi être un fardeau pour les proches qui ne souhaitent que le meilleur pour la personne hypersensible. lui souhaitent de vivre une vie heureuse, vivante, pleine de sens, de trouver sa voie, mais se heurtent à son immobilisme et à son refus d’affronter la vie. Encore faut-il qu’il y ait des proches. Ils se sont peut-être détournés, exaspérés, et la solitude guette. Ou peut-être que l'on vit un conformisme allant jusqu'à se vider de toute originalité propre et devenir une coquille de comportements sociaux stéréotypés. La créativité personnelle ne trouve plus sa place et ce renoncement est rendu plus supportable par des prétextes et excuses. Et par la profusion de l’offre en divertissements numériques pour remplir le vide. La solution consiste généralement à se tourner précisément vers ce que l'on évitait jusqu'à présent et à décider de supporter les désagréments qui y sont liés pendant un certain temps, jusqu'à ce qu’ils puissent s'estomper et qu’on ait appris à mieux gérer les réalités. Souvent, les difficultés sont moins grandes qu’on ne le pensait: dès que l'on regarde en face ce qui nous fait peur, ces choses perdent instantanément de leur pouvoir. Et peut-être que ce qui nous faisait peur ne nous voulait même pas de mal et que ce n’était qu'un vaste malentendu. Si la personne hypersensible ne sort pas un jour de sa coquille pour affronter ces inconvénients et tribulations et ne retrouve pas sa propre efficacité personnelle et sa souveraineté personnelle, elle peut glisser vers un sentiment de vide allant jusqu'à la dépression. La satisfaction d’avoir surmonté une situation difficile est l’une des meilleures sensations qui soient. Il est plus facile de trouver le courage d’affronter la vie si on est soutenu – par ses proches ou par des thérapeutes ou des coachs.

Hypersensibilité et alcool

Il n'existe pas d'études sur ce sujet. Mais il se pourrait bien que les personnes hypersensibles se tournent plus souvent vers l'alcool que la moyenne (comme c'est apparemment le cas pour les personnes surdouées). Pourquoi? Plusieurs raisons sont possibles: Les sensations quotidiennes peuvent être trop fortes. L'alcool permet de remédier rapidement à la situation, d'atténuer l'expérience et d'éliminer les sensations les plus vives - avec tous les inconvénients de l'alcool pour le corps et l'esprit. Les personnes qui ne sont pas conscientes de leur hypersensibilité peuvent, à défaut, choisir l'alcool comme stratégie d'adaptation. Par conséquent, si l'alcool est trop présent chez quelqu'un, il convient de vérifier s'il n'y a pas une hypersensibilité non reconnue. Cela demande beaucoup de tact. Mais reconnaître sa propre hypersensibilité est un moment essentiel et cela pourrait même être la clé pour en finir avec l'alcool. Il est possible que ce soit plus souvent le cas chez les hommes que chez les femmes. En effet, le manque d'acceptation culturelle de l'hypersensibilité masculine renforce encore la tendance à la sédation. Voir aussi: Coaching pour personnes hypersensibles L’hypersensibilité dans le monde du travail et en management Améliorer la confiance en soi et l‘estime de soi Petit guide de survie pour personnes hypersensibles en des temps agités Autres articles du blog Contact et rendez-vous en cabinet ou en ligne
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