Un sens aigu de la justice - c'est une qualité
souvent attribuée aux personnes
hypersensibles, et aussi aux HPI. Ce sens peut
engendrer des sensations contrariantes fortes.
Mais s'agit-il vraiment d'un sens de la
justice ?
La justice est une convention humaine,
fortement liée au lieu et au temps. Si les lois
définissent ce qui est juste et ce qui ne l'est
pas, cela reste très relatif. Les attentes
morales ne sont pas non plus universelles. Ce
qui est légal ou moral ici et maintenant peut
être illégal ou immoral dans un pays voisin ou
l‘année suivante. Comme disait Blaise Pascal:
«Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-
delà!»
Étant autant liée au temps et au lieu, la
justice humaine n'est-elle pas trop relative
et parfois trop arbitraire pour activer un
"sens" ? Le sens de la justice peut déclencher
des émotions et malaises conséquents, dont
l'immédiateté et la profondeur semblent
disproportionnées au regard de lignes de texte
de loi. Et ce d'autant plus que, souvent, on n'a
même pas lu ces articles et codes. La justice
est en outre un concept difficile à appréhender
lorsqu'on entre dans le détail de son
application réelle : la justice est-elle toujours
juste ? La vengeance est-elle juste ?
L'inégalité est-elle toujours injuste ? Qui détient
une réponse unique, définitive et claire à ces
questions, une réponse qui puisse s'imposer
même sans longues explications verbales,
ajoutant toujours plus de mots ?
Ce "sens" pourrait donc plutôt être lié à
quelque chose de plus profond : à un sens
de l'équilibre, d‘équilibres plus profonds que
les lois de la "justice" humaine conventionnelle.
Prenons une analogie. Lorsque le corps
perd l‘équilibre, il peut trébucher et chuter.
Le corps s'en rend compte grâce à son sens
de l'équilibre et à ce que l'on appelle sa
"proprioception" (perception de sa propre
position dans l‘espace). Il déclenche
immédiatement des réflexes moteurs qui
rétablissent l'équilibre. On commençait tout
juste à trébucher. Et en une fraction de
seconde, une jambe s'est avancée, s'est
placée sous le corps qui tombait mais qui le
porte à nouveau. La conscience est trop lente,
elle n'est même pas invitée à participer à
l'événement et ne comprend qu'après coup ce
que le corps a déjà accompli. L‘esprit conscient
peut ensuite faire un joli discours sur ce qui
vient de se passer. Mais l'action est terminée.
Le "sens de la justice" serait alors en réalité
une sorte de sens de l'équilibre, qui se
réfère toutefois à autre chose que le corps.
Il s'activerait peut-être lorsqu'un
déséquilibre se produit dans la trame du
monde. Cela signifierait que derrière ce sens,
il y a un lien plus profond avec le monde, avec
les nombreux flux et interactions et
interconnexions et relations et les énergies
vitales qui sont en mouvement constant - et qui
parfois se dérèglent.
Le réseau interpersonnel et, au-delà, le tissu
du monde, ont besoin d'un équilibre subtil qui
peut facilement être perturbé.
•
Si quelqu'un se comporte par exemple de
manière égoïste, il crée ainsi une
perturbation dans le flux des choses et des
valeurs. L'action de l'un se fait au détriment
de l'autre. C'est un déséquilibre. Cela peut
déclencher d'autres choses, s‘envenimer
dans une chaîne de réactions et contre-
réactions, d‘égoïsmes et de contre-
égoïsmes.
•
Ou bien un enfant voit un animal mort dans
la nature, est inconsolable et veut
absolument l'enterrer - comme si un ordre
naturel devait être rétabli.
•
Un autre enfant grandit dans une famille
dysfonctionnelle, brisée, et essaie de
réparer autant que possible le „tissu“
familial. Il le fait par exemple par une gaieté
exagérée (et devient "le petit rayon de
soleil" de tout le monde), par une maladie,
par des accidents à répétition, ou par des
problèmes comportementaux. Il s'agit de
différentes stratégies de diversion pour
attirer l'attention sur soi. Ainsi, les conflits
reçoivent moins d'attention, donc moins de
nourriture. L'enfant a inconsciemment
perçu un besoin de réparation du système
familial mais, ce faisant, il est happé par les
besoins de l‘environnement et perd le
contact avec lui-même.
L'hypersensibilité est en premier lieu une
sensibilité à l‘environnement. La personne y
perçoit des changements minimes. La
douance, quant à elle, est peut-être une acuité
perceptive accrue vis-à-vis monde, qui fournit
une image à plus haute résolution et "voit"
également plus de choses, mais au plan
cognitif plutôt que sensoriel. Le "sens de la
justice", qui serait en réalité un "sens de
l'équilibre", pourrait donc se nourrir de
perceptions provenant de niveaux plus
profonds de l'environnement. Quelque
chose dans le „tissu“ environnant est blessé,
peut-être à peine perceptible pour les autres,
et demande à être réparé: les équilibres subtils
du monde ont été perturbés et cette
perturbation pourrait s'étendre.
Pour nous en tenir au premier exemple : Un
petit premier acte égoïste d'une personne peut
conduire à d'autres actes et événements qui
s'amplifient dans le groupe et finissent par le
diviser, si cet enchaînement qui s‘annonce est
livré à lui-même.
Le sens de l'équilibre, appelé "sens de la
justice", fournit un pressentiment de cette
issue. Il nous dit : Rattrape et répare ce
déséquilibre avant qu'il ne s'étende et ne
cause d'autres dommages. Et si ce n'est pas
possible, essaie au moins d'atténuer le
déséquilibre ou ses conséquences.
Nous laissons à l‘entière discrétion des
lectrices et lecteurs la question de la nature du
„réseau“ ou de la „trame du monde“ où le
déséquilibre est apparu. Simple métaphore?
Réalité physique? Transcendance spirituelle?
De nombreuses personnes hypersensibles
et/ou surdouées, et pas seulement elles,
ressentent toutefois ce sens „de la justice“ très
concrètement et avec puissance, parfois avec
une véritable douleur émotionnelle. Il semble
qu'elles jouent, peut-être à leur corps
défendant, un rôle important dans le
maintien de l'équilibre et de la santé de
cette trame du monde. Sinon, celle-ci ne
leur parlerait probablement pas aussi
clairement et ne leur causerait pas toutes
ces émotions.
Si ce lien privilégié avec la trame du monde
existe vraiment, il peut aussi contribuer à
expliquer pourquoi un séjour dans la nature est
si revigorant : Nulle part ailleurs le lien avec un
supposé „grand tout“ ne se fait sentir de
manière plus immédiate que dans la nature.
La question est de savoir si cette perception
les conduit aussi à passer à l‘action pour
rétablir l'équilibre, ou s‘ils laissent passer
l‘appel. Car peut-être ont-ils effectivement un
rôle à jouer en tant que gardiens de la bonne
santé de la trame du monde.
Voir aussi:
•
Coaching pour personnes
hypersensibles
•
Coaching pour HPI
•
L’hypersensibilité dans le monde du
travail et en management
•
Autres articles du blog
•
Contact et rendez-vous en cabinet ou en
ligne
Avoir un fort „sens de la justice“
est-il le signe d‘une connexion
plus profonde au monde?
Alexander Hohmann
Le Blog
Le coaching, la vie et le reste